Jean-Baptiste Cordier ( 1771-1849 ), issu de l’École de Versailles, prolonge les traditions de la Grande Écurie du Roi. Quoique de statut civil, il tient une place durable dans les écoles militaires, d’abord écuyer à Saint-Germain, écuyer en chef à l’École d’instruction des troupes à cheval de Saumur de 1816 à 1822, puis à l’École d’application de Versailles et à nouveau à Saumur de 1825 à 1833.
Vie équestre
Il y est assisté par deux écuyers réputés, l’aimable Monsieur Rousselet, qui savait parler à l’oreille des chevaux rétifs, et l’actif Antoine-Bénigne Flandrin, en même temps professeur d’hippiatrique, qui publie, entre autres, à Saumur, en 1855, chez Mademoiselle Niverlet, ” Instruction de la cavalerie. Matériaux d’hippygie ” et qu’on voit à droite lithographié par Charles Aubry.
On reconnaît à ces écuyers le mérite d’avoir résisté aux modes anglaises, alors envahissantes, et d’avoir défendu les traditions françaises. Ils sont hostiles à l’équitation simplifiée à l’usage des militaires que prônait Ducroc de Chabannes ; ils maintiennent l’équitation savante des anciens manèges royaux. Cordier y ajoute quelques principes personnels, comme celui de creuser les reins et de porter le nombril en avant. Il a exposé une première fois sa méthode dans son ” Traité raisonné d’équitation, en harmonie avec l’ordonnance de cavalerie, d’après les principes mis en pratique à l’École Royale d’application de la cavalerie de Versailles “, Paris, Anselin et Pochard, 1824. Il met à jour sa méthode, en collaboration avec Antoine Flandrin, dans son ” Cours d’équitation militaire à l’usage des corps de troupes à cheval “, Saumur, Degouy, et Paris, Anselin, 2 vol., 1830, un manuel officieux jusqu’aux premières contestations.
Ouvrages
1824 : Traité raisonné d’équitation par J.-B.-R. Cordier (Paris France).
1825 : Cours d’équitation militaire (approuvé par le ministère de la Guerre) par Cordier et Flandrin (Saumur-France).
1830 : Ordonnance de l’Arme.
Né en 1867, le marquis de Saint Phalle, issu d’une bonne famille, fit des études brillantes et fut reçu à la fois à Saint-Cyr et à l’École polytechnique. Il choisit Saint-Cyr et la cavalerie, sans doute par passion. Il conserva toutefois l’esprit mathématique qui le distinguait et qui est perceptible dans ses ouvrages. Travailleur acharné et cavalier orgueilleux, il n’admettait pas l’échec.
Vie équestre
Il fit l’acquisition d’une jument très perturbée, qui s’emballait systématiquement au point qu’il était impossible, pratiquement, de la monter et entreprit de la dresser malgré l’avis contraire de son entourage. Il se consuma littéralement à cette tâche, travaillant des heures en manège et consultant des centaines d’ouvrages. Il restait jusque tard dans la nuit à son bureau, accumulant les notes fébrilement. De ce travail naîtra son premier ouvrage : Dressage et emploi du cheval de selle (publié en 1899).
Ce livre, ajouté à son talent équestre, en fit un personnage célèbre dans le milieu du cheval. Ses jugements catégoriques sur les maîtres du passé ne manquaient pas de soulever de nombreuses polémiques. En 1901, alors qu’il jouissait déjà d’une belle réputation, le marquis de Saint Phalle fut envoyé au cours d’instruction de Saumur. On l’y attendait, naturellement, de pied ferme. Voici ce que raconte Étienne Saurel dans son Histoire de l’équitation des origines à nos jours: «L’accueil fut mitigé. Tandis que les camarades restaient dans l’expectative, le général inspecteur, de passage, lui décocha un: «Tiens! Voilà un maître qui vient à l’école», et le commandant ajouta un ou deux chevaux à son piquet réglementaire, sans doute pour faire bonne mesure. Saint Phalle comprit sans mal, releva le défi et, menant de front équitation et études, travailla comme un forcené, prit sur ses nuits, se surmena et sortit avec mention «très bien».
Il fut alors affecté au Cadre noir comme capitaine écuyer. Il travaillait énormément, passait de longues heures en selle en dehors des reprises et de l’enseignement. Il montait et dressait de nombreux chevaux — surtout des juments — qu’il amenait aux airs de haute école et aux airs de fantaisie, comme le trot ou le galop en arrière et le galop sur trois jambes. Il consacrait également du temps à l’étude, prennent beaucoup de notes pour un nouvel ouvrage.
En publiant une méthode à trente deux ans, Saint Phalle avait fait preuve d’une certaine assurance, qu’on ne manqua pas de lui reprocher. James Fillis, notamment, l’accusa de se placer au dessus des grands maîtres du passé sans leur porter le respect qui leur était dû. Entre les deux écuyers, le ton monta rapidement. Critiques et explications publiques, pamphlets, réponses, leur différend enfla au point de devenir une controverse qui agita le monde de l’équitation. Pour finir, en 1904, Fillis mit Saint Phalle au défi d’exécuter en public les airs de fantaisie qu’il se vantait de maîtriser et, en particulier, d’obtenir un changement de pied au galop en arrière.
Saint Phalle releva le défi et se mit à travailler d’arrache-pied avec sa jument demi-sang Théo et son pur-sang arabe Iran. Sa santé, déjà altérée par le surmenage, l’obligea à plusieurs reprises à interrompre son entraînement, mais, en août I905, il fut à même de présenter, devant un jury composé de trois écuyers, les airs en question. Le procès-verbal signé par le capitaine Lafont et accompagné de photos fut envoyé à Fillis. Mais Saint Phalle avait sans doute trop tiré sur la corde et ne se remit jamais des efforts excessifs qu’il s’était imposés. Il tomba malade et, après plusieurs séjours en sanatorium qui lui laissèrent tout juste le temps d’achever Équitation, son deuxième ouvrage, il s’éteignit à l’âge de quarante et un ans.
Ouvrages
1899 : Dressage et emploi du cheval de selle
1908 : Équitation
Le vicomte d’Aure était un écuyer (cavalier) Français né à Toulouse, le 2 juin 1799 (15 Prairial VII). Antoine Henri Philippe Léon Cartier d’Aure passe avec succès à 15 ans l’examen d’entrée à Saint-Cyr et entre en 1821 à l’École de Versailles sous la direction de Pierre-Marie d’Abzac. Il y montrera des qualités d’assiette et de dextérité ainsi qu’une audace à cheval qui feront dire à son maître : « Vois tu celui là ! Eh bien ne fais jamais comme lui. » C’est pourtant d’Aure lui même qui remplacera d’Abzac à sa mort en 1827 à la tête du manège de Versailles.
Vie équestre
Aussi brillant homme du monde que brillant cavalier, il est la coqueluche de la cour de Louis XVIII puis de Charles X. Il publie de nombreuses brochures (sur la situation de l’élevage équin en France, sur les Haras, sur sa conception d’une école équestre modèle etc.). Il innovera au manège de Versailles en allant essayer voire en débourrant lui même aux haras les jeunes chevaux « qui n’avaient porté que des mouches » destinés à la remonte. Imbu des principes classiques de l’école, il est enclin à les simplifier et à les adapter à l’équitation d’extérieur. À la fin du règne de Charles X, en 1830, l’école de Versailles est supprimée et d’Aure créera successivement trois manèges toujours avec un succès éclatant mais avec des résultats financiers plus ou moins heureux. Sa seconde entreprise, le manège de la rue Duphot, particulièrement luxueux fut un fiasco financier – « Un d’Aure ne s’intéresse pas à ces détails sordides… » – et il se retrouvera en faillite. Grâce à l’aide de Lord Seymour, il se remettra à flot et ouvrira son troisième manège, rue de la chaussée d’Antin.
De cette époque date la fameuse querelle avec Baucher lorsqu’il répondit à la Méthode d’équitation de ce dernier par sesRéflexions sur une nouvelle méthode d’équitation (1842) commençant par une citation de La Fontaine sur la montagne qui accouche d’une souris… D’Aure publie son Traité d’équitation en 1834, œuvre majeure qui connaîtra neuf rééditions.
Il intrigua longtemps pour devenir Écuyer en chef à Saumur mais se heurta au maréchal Soult, ministre de la Guerre, et ce ne fut qu’en 1847, au départ en retraite de ce dernier qu’il obtint ce poste grâce au soutien du duc de Nemours, d’Auriste fervent (et anti-bauchériste non moins convaincu).
Nommé à Saumur, il développe l’équitation d’extérieur – « Lorsqu’on charge, les appuyers et les contre-changements de main ne servent pas à grand-chose » – mais subjugue les écuyers par sa maîtrise et sa connaissance du cheval, même si le fait d’être civil lui amène quelques frictions avec les militaires, notamment avec le colonel Jacquemin, commandant en second l’École. Parmi ses élèves, se trouve d’ailleurs un jeune lieutenant, Alexis L’Hotte : « Il jouait avec les rênes comme avec de légers rubans qu’on craindrait de casser ».
En 1848, à l’exil de Louis-Philippe Ier, il présente sa démission par fidélité aux Orléans mais reviendra sur sa décision quelques mois plus tard et restera à Saumur jusqu’en 1855, fatigué et malade après avoir publié en 1853 son Cours d’équitation, ouvrage considéré comme supérieur à son traité de 1834.
Nommé successivement à la direction des Écuries de Napoléon III, écuyer de l’Empereur et inspecteur général des haras, il s’éteint le 6 août 1863.
Citations
Ouvrages
1834 : Traité d’équitation par le comte d’Aure (Paris-France).
1842 : Réflexions sur une nouvelle méthode d’équitation.
1853 : Cours d’équitation du comte d’Aure (Saumur-France).
Le général Decarpentry était un cavalier Français né dans le Nord le 22 janvier 1878, mort le 29 mai 1956.
Vie équestre
Né d’un père polytechnicien et éleveur Albert-Eugène Édouard Decarpentry entre à Saumur en 1904 sous le commandement du commandant de Montjou. Écuyer du Cadre noir en même temps que Pierre Danloux, Jean-Charles-Emond Wattel et de Saint Phalle, il sera l’instructeur de Xavier Lesage, futur champion olympique et Écuyer en chef qui dira de lui : « Il travaillait tranquillement, sans esbrouffe, sans vouloir étonner la galerie ». Il restera écuyer à Saumur jusqu’en 1913.
Blessé au coude en 1916, le chirurgien qui devait l’opérer l’avertit que son coude risquait d’être ankylosé. Decarpentry lui demande alors de pouvoir « garder la position de la main de bride ».
Après la guerre, il accède au commandement en second l’école de Cavalerie (1925-1931). A la fois écuyer de talent et excellent pédagogue, il est également un théoricien de premier ordre et sera qualifié par Wattel comme « le plus savant » de sa génération.
Son équitation, basée sur « garder la position de la main de bride », la « conquête de l’impulsion » et l’« abaissement des hanches » est encore de nos jours considérée comme un modèle de classicisme.
Son ouvrage le plus célèbre (Équitation Académique) est d’ailleurs une compilation des auteurs classiques à laquelle il ajoute ses propres réflexions sur les difficultés rencontrées en pratique.
Il qualifie d’ailleurs modestement lui même son livre de « recettes de cuisine équestre ». Ce livre reste aujourd’hui une des références équestres des plus incontournables.
Juge international de dressage de 1930 à 1939, le Général Decarpentry présidera jusqu’à sa mort en 1956 le jury de la Fédération Équestre Internationale (FEI) pour les épreuves de dressage.
Citations
L’impulsion doit avoir pour le cheval dressé l’intensité lancinante d’un besoin physique impérieux et permanent.
Plus un procédé est puissant, plus les dangers de son application sont grands.
Ce n’est pas le relèvement de l’encolure, c’est l’abaissement des hanches qui est le but à atteindre.
Ouvrages
Ses principaux ouvrages sont:
1932 : Piaffer et Passage
L’école espagnole de Vienne
Baucher et son école
L’équitation académique
Les maîtres-écuyers du manège de Saumur
Méthode de haute école de Raabe
Alexis L’Hotte, plus connu sous l’appellation de Général L’Hotte, était un cavalier français. Il est né à Lunéville le 25 mars 1825. Jusqu’à l’âge de 15 ans, il passe plus de temps avec le commandant Dupuis, écuyer de l’école de Versailles, qu’avec ses professeurs, ce qui ne l’empêchera pas d’ entrer à Saint-Cyr à 17 ans.
Vie équestre
Deux ans plus tard, il entre à l’École de cavalerie de Saumur, alors sous le commandement de Delherm de Novital (dont il dresse dans ses mémoires un portrait peu flatteur) et travaille avec le commandant Rousselet. En tant qu’officier de cavalerie, il est ensuite affecté à diverses missions de “maintien de l’ordre”. Il prend alors conscience de l’écart qui existe entre l’équitation savante et l’équitation de campagne et lui fait préconiser la pratique du trot enlevé (dit alors à l’anglaise) pour les hommes du rang. Affecté à Saumur aux Guides d’état major, il rencontre d’Aure écuyer en chef depuis 1 an. Un peu plus tard, appelé à réprimer la révolte des Canuts, il est envoyé à Lyon ou il rencontre par hasard François Baucher dont il devient l’élève et l’ami. Il commence dès alors la synthèse entre les deux écoles rivales, discernant ce que la méthode baucheriste avait d’inadapté à une équitation militaire. Il revient à Saumur en tant que lieutenant d’instruction en 1850. Devenu capitaine instructeur à Lille, il monte 12 chevaux par jour, restant en selle 13 à 14 heures. Nommé au commandement de la section de cavalerie de Saint-Cyr, il est remarqué par l’empereur Napoléon III ce qui lui vaudra en 1864 sa nomination au poste d’Écuyer en chef à Saumur. Sa première décision fut de bannir le travail de haute école sauf pour ses chevaux personnels. Cette apparente infidélité à Baucher montre en fait que peut être le premier, il avait compris l’unité fondamentale de l’équitation avec une diversité de moyens.
Il participe avec le manège de Saumur au premier concours de la Société Hippique Française à Paris en 1866 ou il remporte un véritable triomphe. Pendant les six ans qu’il passe à Saumur comme écuyer en chef, il est véritablement adulé par ses élèves, même si ceux-ci lui reprochent d’être avare de ses conseils ce qui lui vaudra les surnoms de “sublime muet” ou de “lumière sous le boisseau”. Effectivement, autant son œuvre écrite montre ses qualités de pédagogue, autant il restait silencieux voire taciturne au manège et citant Baucher, « je suis arrivé à cette conclusion que, plus et mieux l’on sait, moins on en dit ».
Le général L’Hotte mit au point un mors de brise à canon cintré qui porte son nom, plus confortable pour le cheval et qui est aujourd’hui le plus couramment utilisé en dressage.
En 1870, le manège de Saumur est dissous et l’Hotte, promu Colonel, commande le premier Dragon et sera encerclé dans Paris. Il rendra alors souvent visite à Baucher, alors retiré et presque infirme. A la tête du sixième Lanciers, il participe avec les versaillais à la sanglante répression de la Commune. Général de Brigade en 1874, il fera enfin triompher ses idées et le trot enlevé sera enseigné dans les écoles militaires d’équitation. Il revient pour la quatrième fois à Saumur en tant que général commandant l’école. Il terminera sa carrière militaire couvert d’honneurs, inspecteur général de la cavalerie, général de corps d’armée, président du conseil de la cavalerie jusqu’à sa retraite en 1880. Montant encore chaque matin ses trois chevaux (ce qu’il fera jusqu’à l’âge de 77 ans) il rédige ses ouvrages “Un officier de cavalerie”, où il campe les portraits des grands écuyers de son temps et surtout les “Questions équestres”, synthèse de l’enseignement des deux grands rivaux dont il fut à la fois l’élève et l’ami ainsi que de son immense expérience équestre. Ces deux livres ne paraîtront qu’en 1905 et 1906, après sa mort, le 3 février 1904, à Lunéville ou il s’était retiré. Dans son testament, il ordonne « Je veux épargner la déchéance à mes trois chevaux, Glorieux, Domfront et Insensé. Qu’ils soient immédiatement abattus d’une balle de revolver. », décision cruelle d’un orgueilleux, ou sincère volonté d’un amoureux des chevaux, soucieux d’épargner un sort médiocre à ses compagnons.
Citations
Ouvrages
1895 : Questions équestres par le général L’Hotte (Lunéville-France). Ne seront publiées qu’après sa mort (1904).
1905 : Un officier de cavalerie (Plon-Nourrit)
Jean-Charles-Edmond Wattel est né le 28 juillet 1878 à Tourcoing. Il s’éteint le 22 décembre 1957.
Vie équestre
Jean-Charles-Edmond Wattel fut, selon ses pairs, « L’Écuyer de sa génération ». Certains le comparèrent même à d’Aure et l’Hotte, en regrettant toutefois qu’il n’ait rien écrit, ce qui n’est pas tout à fait exact. Le 18 janvier 1953, quatre ans avant sa mort, il rédigea ces quelques lignes en tête d’un ouvrage de souvenirs et de « Notes d’équitation » où ce maître incontesté du piaffer faisait l’apologie du… reculer : « Ces souvenirs ne doivent pas être publiés. Je les ai écrits à 75 ans, après une longue maladie. Ils n’ont, à mon avis, aucune valeur, ni littéraire, ni pédagogique, ils fourmillent d’erreurs, de fautes de style, de contradictions. Je ne voudrais pas que ces notes désillusionnent ceux qui m’ont connu quand j’avais la plénitude de mes facultés intellectuelles et physiques. Mes enfants pourront y trouver de l’intérêt et, en cherchant bien, quelques conseils utiles ».
Le dernier vœu de cet homme rigoureux fut, hélas, scrupuleusement respecté par sa famille, dont ses deux de ses enfants, excellents cavaliers ont longtemps regretté de ne pouvoir bénéficier de l’immense savoir de leur père.
En préparant Saint-Cyr à Paris, Edmond Wattel, comme ses condisciples, pouvait monter à cheval, deux fois par mois dans un manège, rue de Suresnes, là ou avait eu lieu la seule entrevue connue entre le comte d’Aure et Baucher.
Le bagage équestre de Wattel était donc assez mince lorsqu’il entra à Saint-Cyr en 1897, mais il s’inscrivit aussitôt comme plus de la moitié des élèves comme candidat cavalier.
Classé 71 sur 598, il fut affecté au 2eme Dragons à Saint-Omer.
Ce jeune homme plutôt grand pour un cavalier, fin mais tout en muscles, ne rêvait alors que de courses et surtout de steeple. Le dressage était le moindre de ses soucis. Cependant, en voyant travailler le sous-lieutenant de Kermenguy qui avait été sous-maître à Saumur, il se rendit très vite compte qu’il était beaucoup plus agréable de monter un cheval assoupli, confortable, et soumis, plutôt qu’un cheval raide, contracté et désobéissant.
En 1900, comme tous les cavaliers de sa promotion, Wattel, surnommé « Le Watt » ou Watt par ses amis, suivit le cours d’application à l’école de Cavalerie.
Saumur était à l’époque le temple de l’équitation académique et les Écuyers du Manège l’objet d’une admiration et d’un culte difficilement imaginable. Wattel fut affecté à la brigade du capitaine Blacque-Belair, futur Écuyer en chef et fondateur du championnat du cheval d’armes (aujourd’hui le concours complet).
Sorti avec le n° 12 sur 70 et la mention très bien, Wattel revient au 21e Dragons comme lieutenant. Muté en 1903 au 3e Dragons, puis au 26e Dragons, il rejoindra Saumur en 1906, pour son stage de lieutenant d’instruction.
Entre-temps commence réellement sa carrière sportive. Grâce à l’amitié que lui portait le capitaine Blacque-Belair, des propriétaires en vue lui confièrent leurs chevaux dans des courses de gentlemen, et même dans des épreuves ouvertes aux professionnels.
Après avoir gagné à Lille avec un grand bai brun « Ulster », il affronta les jockeys à Enghien et Maisons-Laffitte, tandis qu’avec sa jument d’armes, « Gaule », de sang normand, Wattel brillait dans les military.
Le comte de Cherisey envoya aussi à Wattel un grand cheval panard et exagérément long, « José Marti », avec ce petit mot : « Il semble foutu, faîtes en ce que vous voulez ». Durant tout un hiver, Wattel travailla « José Marti » à la longe dans un pré, ou en liberté au manège. Accompagné de son ami Haentjens, il le montait parfois, au cours d’un travail long et lent à travers la lande nantaise.
Avec « José Marti », il remporta quatorze steeples et découvrit que le travail non monté est irremplaçable pour remettre un cheval en condition.
Sur ce même « José Marti », il finit 1er à Verrie en 1904. Le commandant Gaborit de Montjou devenu Écuyer en chef le remarqua et lui dit : n’êtes-vous pas ce jeune sous-lieutenant qui allait bien sur les obstacles ? Si vous continuez ainsi, nous vous peindrons en noir Wattel devint alors le spécialiste des chevaux difficiles dont il faisait des gagnants avec « Umber », « Infante » et « Forfar » qui le déposa brutalement sur le talus breton (on emporta Wattel inanimé sur une civière et il se réveilla à l’hôpital avec une poche de glace sur la tête). Sans pratiquer la monte à l’américaine, « comme les singes » disaient les gentlemen, il raccourcissait ses étriers de quatre trous et se penchait en avant, les fesses hors de la selle. J’ai eu du mal à adopter cette position disait-il, car on m’avait inlassablement répété : assis, assis.
En 1906, Wattel revient donc à Saumur pour suivre le stage de lieutenant d’instruction.
Wattel portera la tenue noire pendant six ans, sous les ordres de Gaborit de Montjou et de Blacque-Belair. D’autres écuyers aux noms également prestigieux, Decarpentry, Danloux, Detroyat, Lafont, Saint-Phalle, Haentjens, Vonderheyden, Malherbe, formeront avec lui un groupe si brillant qu’il fut baptisé « la pléiade ».
Wattel regretta d’abord que Montjou fût exceptionnellement avare de conseils. Une fois, dans son bureau, alors que Wattel venait lui rendre compte d’un problème, Montjou saisit le cours d’équitation du comte d’Aure et lui lut une page traitant de l’accord des aides. Puis, il lui dit en le congédiant gentiment : « C’est magnifique, n’est-ce pas ? ».
A quelques mois de là, Wattel qui était en difficulté sur son cheval de dressage sollicita un avis. «Vous n’avez qu’à mettre votre cheval droit», répondit Montjou.
Une troisième fois, Wattel demanda à son Écuyer en chef « que faut-il dire à nos élèves ? ». « Ne leur dites rien » fut la réponse.
Mimétisme ? Devenu Écuyer en chef à son tour, Wattel fut, lui aussi célèbre par la sobriété de ses paroles dont il fallait interpréter le sens comme celui des paraboles de l’Evangile, au niveau des principes.
Ces mots favoris étaient alors : « Travaillez sans cesse » et « Lisez et réfléchissez ».
Ce qu’il mettait d’ailleurs en pratique chaque jour. « Toute ma vie, je me suis levé à cinq heures du matin », dira-t-il un jour à l’un de ses fils devenu officier de marine.
Le 23 juin 1913, le capitaine Wattel troquait à regret la tunique noire pour la culotte garance du 13e Dragons, de Melun, où il allait effectuer son temps de commandement.
La guerre est proche. Le 2 août 1914 le capitaine Wattel part pour le front à la tête du 1er escadron avec le casque à crinière !
Le capitaine Wattel qui a pris le commandement d’un escadron de 300 « Cavaliers à pied » se retrouve en Artois puis dans les tranchées de Champagne. Le 27 octobre, vers 7 h 30 du matin, alors que l’escadron Wattel a relevé des territoriaux dans la nuit, le secteur subit une attaque par gaz asphyxiants. Il y aura cinquante morts dont trois officiers et Wattel respirera des vapeurs d’ypérite avant d’appliquer sur son visage le masque à gaz de fortune distribué à la troupe un linge qu’il fallait imbiber d’hyposulfite de soude! Quarante ans plus tard, les médecins découvriront que les poumons avaient été atteints et Wattel sera rongé par la tuberculose.
Un défi qui semblait alors impossible à relever officiers : 2228 officiers de cavalerie (dont 4 généraux) avaient été tués au combat. Parmi les victimes, 19 anciens instructeurs de l’Ecole de Cavalerie (Cadres noir et bleu confondus).
L’École, elle-même, était en piteux état. Construits par des artilleurs américains qui s’y trouvaient cantonnés, des baraquements s’élevaient un peu partout. Les manèges avaient été transformés en ateliers de réparation. La sellerie avait disparu et, dans les quelques écuries encore en service, la gale sévissait et les rats paraissaient maîtres des lieux. La fameuse carrière du Chardonnet avait été « métamorphosée » en stade où l’on jouait au football… américain !
En visitant son futur domaine, en compagnie du colonel Thureau, le nouveau commandant de l’École, Wattel, peu loquace et ne laissant rien paraître de ses sentiments dit simplement « Ça ne va pas être facile, mais on y arrivera ».
Quelques heures plus tard, flanqué d’un secrétaire venu de l’artillerie et de l’adjudant Macaire, un ancien sous-maître promu, sur le champ, Maître de Manège, le commandant Wattel se mettait au travail. Il devait tout reprendre à zéro, restaurer les écuries et les manèges, trouver des chevaux alors que l’élevage avait été éprouvé par la guerre, et aussi des… écuyers.
Au début d’octobre, en sept mois, Wattel avait gagné son pari. Manèges et écuries, remis en état, abritaient 450 chevaux. Des galopeurs étaient entraînés pour les courses de Verrie dont le nouvel Ecuyer en chef avait étudié chaque obstacle et son environnement, plantant inlassablement bruyères et plantes vivaces. Une dizaine d’écuyers et de sous-écuyers aidés par quelques sous-maîtres assuraient les cours. En août 1920, Wattel pouvait même présenter une reprise d’écuyers et de sauteurs en liberté au cours d’un mini-carrousel sur le terrain des Huraudières, la carrière Iéna étant encore en réfection.
Wattel, en fait, n’aimait pas les reprises publiques. « J’ai deux croix à porter, disait-il, le Carrousel et les chevaux de généraux qu’il faut constamment redresser ».
Pendant dix ans, le commandant, puis lieutenant-colonel Wattel régna sans partage sur le Manège et ses écuyers dont il désirait qu’ils s’imposent autant par leurs qualités d’intelligence et de caractère que par leur virtuosité équestre.
Lui-même se voulait un cavalier exemplaire. Sa position à cheval se caractérisait par une assiette impeccable, une fixité absolue, une très grande puissance de jambes et une main dont le pouce, immuablement fermé sur les rênes — « Seule chose, disait-il, mais capitale, apprise à Saint-Cyr » assurait une constante longueur de rênes, en laissant aux doigts une totale liberté d’action.
Le colonel Challan-Belval le décrit ainsi « D’une discrétion d’aides exemplaire, il était dans la sobriété de son élégance, la majesté à cheval ».
Après avoir essayé personnellement plus d’une centaine de montures et gardé quelque temps les meilleures, Wattel en choisit successivement huit, avec une certaine prédilection pour les pur-sang et les anglo-arabe.
— « Vauquois », pur-sang alezan qui fut son premier cheval de manège.
— « Cachotier », pur-sang bai-foncé qu’il montait au Carrousel de 1928.
— « Ostigo », anglo-arabe, généreux et doué à l’obstacle dont Wattel avait fait son « saut de barre », et qui avait probablement la classe internationale. Mais, l’Écuyer en chef n’aimait pas le concours hippique!
— « Rempart », magnifique anglo-arabe, important mais harmonieux dans son ensemble, dont le dressage fut conduit au plus haut degré de perfection, sans que jamais sa vaillance et son impulsion manifestent la moindre lassitude.
« Ceux qui, comme moi, écrivit le colonel Challan-Belval ont eu la chance de voir « Rempart » monté par Wattel, éblouissant de grâce et de brillant dans toutes ses attitudes, exécutant un piaffer et un passage extraordinaires, en se jouant, comme en liberté, en ont conservé une image inoubliable ».
C’est à « Rempart » – le cheval de sa vie – que l’Écuyer en chef doit sa réputation auprès du public qui assistait aux reprises – Mais c’est la dernière monture de son temps de commandement « Clough Bank », qui l’a crédité de l’admiration sans réserve des initiés.
Citations
Comme le colonel de Montjou, Wattel était avare de conseils.
« Travaillez sans cesse » et « Lisez et réfléchissez ».
Sollicité par de nombreux auteurs d’ouvrages sur l’équitation et le dressage, il répondait invariablement par un seul mot : « poussez », indiquant que l’impulsion est la priorité absolue.
Lorsque Wattel répond à un colonel en visite demandant comment mettre son cheval au passage « Il faut se lever de bonne heure », cela veut dire, en fait, que l’on doit travailler avec acharnement, que seul le travail est finalement payant.
Lorsqu’il sort de son mutisme habituel et dit à l’un de ses écuyers qui demandait: « Enfin, mon commandant, comment demandez-vous le changement de pied au galop »? : « J’y pense »! cela signifie que, lorsque l’accord intime est réalisé entre l’homme et sa monture, le seul fait de penser au mouvement fait jouer les réflexes qui en commandent l’exécution.
Né en 1878 Danloux mourra en 1965.
Vie équestre
Danloux commence de bonne heure sa carrière militaire. Cavalier du Cadre noir de Saumur l’élève Danloux se montre très doué. Il est avide de travail et veut aller toujours plus loin. Il suit l’enseignement d’un maître émérite le commandant Montjou écuyer en chef qui a lui même été formé par le général L’Hotte. Danloux devient sous-écuyer en 1905 puis après avoir accédé au grade de colonel, écuyer en chef de 1929 à 1933.
Tout au long de sa carrière, il a montré un remarquable talent de cavalier faisant preuve d’un véritable esprit créatif. Aidé de l’officier italien Alvisi, il revoit, corrige et approfondit la méthode de la position à l’obstacle qui avait été mise au point par le capitaine Frederico Caprilli.
Le principe de la monte en suspension, buste fléchi vers l’avant avait déjà contribué à soulager le dos du cheval pendant le saut mais la position du cavalier à l’obstacle restait un peu raide. Le colonel Danloux parvint à résoudre ce problème en insistant sur la souplesse des articulations (théorie du Z) qui permet aux cavaliers d’amortir beaucoup plus en douceur les principales phases du saut.
Pour faciliter cette position et renforcer la stabilité du cavalier, en collaboration avec Alvisi, il met au point une selle d’un nouveau genre avec des taquets plus prononcés et un siège plus creux. Cette selle qui porte le nom de son créateur restera longtemps le modèle de référence pour les selles d’obstacle et les selles mixtes.
Citations
Le culte de la tradition n’exclut pas l’amour du progrès.
Fils d’officier, Georges Margot naît à Versailles le 30 mai 1902. Engagé en 1926, il choisit le métier des armes et sert, en particulier, au 9e Régiments de Dragons à Épernay où il attire déjà l’attention du commandant Lesage et du Colonel Challan Belval. Il décède le 5 octobre 1998.
Vie équestre
Promu officier en 1932, il participe dès 1936 aux Jeux olympiques de Berlin en concours complet avant d’être affecté comme sous-écuyer à l’École de Cavalerie en 1937. La guerre le trouve au 14e Régiment de Dragons portés où il se distingue en mai 1940. Puis c’est la captivité à Nienburg-sur-Weser (Oflag XB) jusqu’en mai 1945. Le 1er février 1946, il est nommé instructeur en chef d’équitation à Saumur pour y rétablir le Manège de l’École de Cavalerie. Dès 1947, celui-ci participe à effectif complet au carrousel et à partir de 1952, renoue avec les tournées à l’étranger.
Il reste le seul à avoir participé, comme écuyer en chef, à une épreuve publique notamment en Dressage International à Berne en 1951 et préside le jury des Jeux Olympiques à Tokyo en 1964 et à Mexico en 1968.
Il préparait déjà le Cadre noir à la profonde mutation qui allait bouleverser le monde de l’équitation à partir des années 60. Fidèle continuateur des généraux L‘Hotte et Wattel, il a contribué au rayonnement de la doctrine de Saumur en appliquant brillamment ses principes et en illustrant les écrits du général Decarpentry.
Palmarès
Sélectionné olympique de concours complet en 1936 à Berlin sur Sayda
Ouvrages
Comment juger : 1967
La doctrine équestre française : 1983
N.D.L.R. La doctrine équestre française est reprise dans l’ouvrage du général Pierre DURAND “Le Cadre noir du Colonel MARGOT” disponible à la boutique des Amis du Cadre noir.
Xavier Lesage était un cavalier de l’armée française, né le 25 octobre 1885, mort en 1968 à Gisors. Il fut écuyer en chef du Cadre noir de Saumur de 1935 à 1939.
Palmarès
Champion olympique de dressage en 1932 à Los Angeles sur Taine
Champion olympique de dressage par équipes en 1932
Médaille de bronze en dressage aux JO de 1924 sur Plumarol
2e du grand prix de dressage à Vienne en 1934 avec Fou-du-Prince
Ouvrages
2004 : Les conseils du général Decarpentry à un jeune cavalier : notes sur l’instruction équestre et théorie du dressage – propos recueillis par le colonel Xavier Lesage, présentés et éd. par le général Pierre Durand (avec Marion Scali), éd. Favre
Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions
Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.